En cette journée du 20 juin destinée à valoriser les droits, les besoins, et la résilience des personnes contraintes de fuir leur pays, Acted Tchad, grâce au financement de la Commission européenne pour l’aide humanitaire et la protection civile (DG ECHO), met en lumière deux histoires d'espoir et d'émancipation.
Dans le cadre de son projet multisectoriel d’urgence à l’Est du Tchad, Acted soutient des espaces sûrs communautaires tenus par des femmes réfugiées anciennes travailleuses sociales sur le site d'Adré. Acted participe également à la protection des réfugiés via la construction et réhabilitation d’abris à travers une approche nouvelle permettant de garantir la participation communautaire et l’ancrage local de l'intervention.
Acted a demandé aux bénéficiaires de partager leurs opinions. Ce qui suit est leur point de vue sur le projet et la journée mondiale des réfugiés.
Depuis le conflit qui a éclaté au Soudan il y a plus d’un an en avril 2023, plus de 750 000 réfugiés et retournés ont fui vers l’Est du Tchad et particulièrement dans la province du Ouaddai via le point d’entrée frontalier d’Adré. Parmi cet afflux massif de réfugiés, 61% des personnes enregistrées sont mineures. De nombreux réfugiés ont subi des attaques en quittant le Darfour, munis du peu qu’ils pouvaient porter. Les femmes ont été arrêtées et fouillées, et certains réfugiés ont été témoins de l’assassinat de leur proche avant d’atteindre le Tchad, où ils ont été accueillis par la communauté locale.
Dans ce contexte, Acted est rapidement intervenue avec une aide d’urgence multisectoriel en l’eau-hygiène- assainissement (EHA), abris-AME (articles ménagers essentiels), sécurité alimentaire, protection et depuis 2024, en coordination et gestion de camps (CCCM). Acted bénéficie du soutien de la DG ECHO, du Centre de Crise et de Soutien (CDCS) du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, de la Région Normandie ou encore du Programme Alimentaire Mondial (PAM) et du Startfund et intervient en collaboration et coordination avec des partenaires locaux , les autorités et communautés locales et les acteurs humanitaires.
L’idée même d’un espace sûr n’est pas évidente : qu’est-ce qui est ‘sûr’ ? À l’abri de quoi ? Pourquoi ? Qui a besoin d’un espace sûr et en quoi consiste-t-il ? Toutes ces questions font partie du développement d’une initiative avec des femmes réfugiées anciennes travailleurs sociales au Soudan et sont constamment discutées avec la communauté.
Les espaces sûrs font partie du volet protection des projets Acted sur le site d’Adré. Dans le cadre de ses activités de protection, Acted a organisé pendant le mois de mai 2024, 12 « focus groups » sur la PSEA (Prévention contre les abus et exploitations sexuelles). Par ailleurs, les 20 relais communautaires garantissent la conduite des activités de sensibilisation des thématiques transversales sur l’ensemble du site : bonnes pratiques d’hygiène et prévention contre l’hépatite E, mécanisme de gestion des plaintes, PSEA et violences basées sur le genre (VBG). Enfin, dans le cadre de la formation et du soutien aux comités de protection, 39 personnes (dont 13 femmes) ont été formées sur la protection transversale, les VBG et l’importance du rôle de la femme dans la prise de décisions communautaires.
C’est précisément dans ce contexte que les espaces sûrs communautaires peuvent se développer. Un centre d’écoute communautaire, entièrement initié et géré par des femmes réfugiéespermet aux autres femmes du site, selon leurs propres termes, « de partager les idées, se libérer du stress et créer des liens avec d’autres femmes ». Les femmes réfugiées bénévoles y forment elles-mêmes les femmes et filles aux techniques de fabrication de jus traditionnels, gâteaux, jarres, éventails, sacs ; elles sensibilisent et prennent en charge de victimes de VBG, distribuent des kits de dignité ; elles orientent les femmes vers les structures sanitaires pour la consultation prénatale.
Ouvert du lundi à jeudi, de 8h à 16h, l’espace accueille au moins 40 personnes par jour. Selon les participantes, il reflète la structure et les mécanismes communautaires qu’elles avaient dans leurs voisinages d’origine. À ce jour, plus de 150 femmes ont été formées à des activités génératrices de revenus, jetant les bases d’une indépendance financière et d’une protection holistique contre la violence.
La logique de l’intervention d’urgence est de fournir l’aide la plus adaptée en un minimum de temps et de la manière la plus efficace possible. Ainsi, de nombreuses considérations sont souvent écartées car les priorités sont fixées ailleurs. Tout au long de ces réflexions, le point de repère est et doit toujours être le bénéficiaire. C’est pourquoi, dans le cadre des activités d’abris d’urgence menés par Acted sur les camps aménagés en coordination avec la Commission Nationale d’Accueil de Réinsertion des Réfugiés et Rapatriés (CNARR), les consultations ont été centrales pour adopter la meilleure approche.
Au camp d’Ourang, Acted a interrogé plus de 90 ménages après la distribution des abris et des kits d’articles ménagers essentiels (AME) sur les 234 qui ont bénéficié de nouveaux abris afin d’avoir leur perception sur leur habitat. Dans la phase de réhabilitation qui a suivi, 6 à 9 mois après l’urgence, Acted a pu adapter l’approche sur la base des retours des communautés en privilégiant l’utilisation de matériaux locaux, l’adaptation de la rénovation aux besoins de chaque famille et la participation des bénéficiaires dans l’activité même de réhabilitation permettant une plus forte appropriation du logement. Ainsi, 92 % des bénéficiaires à Ourang se sont déclarés satisfaits de la qualité de leur abri.
En parallèle, Acted s’engage à toujours assurer une forte redevabilité et communication à double sens avec les bénéficiaires. Ainsi, le mécanisme de gestion des plaintes mis en place par Acted et reposant sur un comité local de gestion des plaintes, a été considéré comme adéquat et a fourni une réponse rapide à toutes les personnes interrogées.
Cette approche de réhabilitation des abris permet de garantir l’autonomisation et la participation des réfugiés. Le fait d’avoir fui sa maison et d’avoir besoin d’un abri rapide ne signifie pas qu’une action ne peut pas être adaptée à l’environnement, aux besoins particuliers et fournir une opportunité d’autonomisation. Des consultations constantes n’améliorent pas seulement les relations avec les bénéficiaires, mais sont la première source d’une action efficace.
Les messages recueillis par Acted auprès des réfugiés soudanais à l’Est du Tchad à l’occasion de la journée mondiale constituent des piliers pour l’amélioration continue des projets et l’élaboration d’initiatives centrées sur le territoire et les savoir-faire locaux.
Lorsqu’Acted leur a posé la question du message qu’ils souhaitaient faire passer, la première réponse a été de réitérer leur refus catégorique de la violence et de la guerre, première source de déplacement et de souffrance, et d’avoir des possibilités de réinstallation équitables pour tous. Le thème de l’égalité des chances a été largement évoqué, notamment en ce qui concerne l’égalité des droits des réfugiés pour ceux qui fuient les conflits partout dans le monde. Nombreux sont ceux qui se sentent discriminés dans l’accès au statut de réfugié. Un autre sujet commun est la volonté de s’engager davantage dans un dialogue intercommunautaire avec la population hôte afin d’apprendre les uns des autres et de prévenir les tensions. La communauté d’accueil tchadienne a effectivement fait preuve d’une hospitalité et d’une générosité exceptionnelles à l’égard des réfugiés. La volonté d’intensifier le dialogue constitue un bon point de départ pour les solutions durables. Elle souligne la nature multidimensionnelle et intersectionnelle des questions relatives aux réfugiés, souvent simplifiées et prises séparément des innombrables facteurs qui les influencent mutuellement.
Un espace sûr et un abri sont le fondement d’une vie digne, quel que soit le statut de la personne. Grâce au financement d’ECHO, du CDCS et de la Région Normandie, l’équipe d’Acted peut mettre en avant des réussites à l’occasion de la Journée mondiale du réfugié de 2024, face au contexte de crise humanitaire engendrée par la guerre au Soudan. Entre cette journée et celle de l’année prochaine, Acted entend poursuivre et intensifier ses efforts en plaçant la communauté au centre de ses interventions, notamment dans le secteur du CCCM, de la WASH, des abris-AME et de la Protection.
Face à des besoins croissants et à des ressources limitées, Acted poursuit ses efforts de plaidoyer en faveur de solutions plus durables, en particulier dans le site informel d’Adré, où la saison des pluies et les arrivées régulières mettent à rude épreuve les services existants.