Yémen Acted

Le deuxième anniversaire de la crise au Yémen, marqué par une escalade du conflit

La crise au Yémen, la plus importante au monde, se caractérise par des problématiques humanitaires, sécuritaires et économiques qui s’autoalimentent. Depuis deux ans, le Yémen est dévasté par une guerre sanglante qui a causé la mort d’au moins 7600 personnes et fait près de 42 000 blessés*.

L’ONU estime que près de 19 millions de personnes (70% de la population) ont besoin d’une protection ou d’une aide humanitaire. La survie de 10 millions d’entre elles en dépend directement. Plus de 3 millions de personnes ont été déplacées et les deux tiers de la population sont en situation d’insécurité alimentaire, n’ayant pas un accès régulier à une alimentation nutritive**.

Voici le résultat de deux ans d’escalade du conflit

Insécurité alimentaire et nutrition

Avant l’aggravation du conflit, le Yémen comptait déjà 10,6 millions de personnes souffrant de la faim*** et l’un des plus haut taux de malnutrition au monde. Après 24 mois de frappes aériennes et de combats, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a augmenté de 60%, dont notamment 3 millions de personnes de plus sur les 9 derniers mois, selon la dernière analyse IPC sur le Yémen. Aujourd’hui, on estime que 17 millions personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, dont 6,8 millions en situation d’insécurité alimentaire sévère (c’est-à-dire ne sachant pas d’où proviendra leur prochain repas), et frôlent la famine.

Le nombre d’enfants et de femmes enceintes ou allaitantes atteints de malnutrition aigüe a par ailleurs triplé, atteignant aujourd’hui 3,3 millions, dont 462 000 enfants atteints de malnutrition aigüe sévère, un chiffre en augmentation de 136% depuis 2015.

Déplacements de populations

La guerre a poussé plus de 3 millions de personnes à fuir leur maison. Face aux bombardements ou aux combats, des milliers de familles n’ont eu d’autre option que de fuir et abandonner tous leurs biens derrière eux.

Entassés dans des camps ou accueillis par les communautés locales, les déplacés internes sont parmi les personnes les plus vulnérables au Yémen. La plupart d’entre eux n’ont aucune source de revenu et font face à une situation d’insécurité alimentaire extrême.

Enfants

Les enfants yéménites sont les principales victimes de la guerre et leurs chances de survie diminuent de jour en jour. Plus de 10 millions d’enfants ont besoin d’aide humanitaire, dont 6,2 millions d’entre eux ont besoin d’être protégés. Quelque 1,4 million d’enfants ont été déplacés. Chaque jour, des enfants sont souffrent de la faim et de déshydratation. En quittant leur maison, ils ont dû quitter l’école. Ils risquent aujourd’hui d’être victimes de mauvais traitements ou d’exploitation, d’être blessés ou tués.

Au moins 1564 enfants sont morts et 2450 ont été blessés depuis le début du conflit, selon l’UNICEF. Au moins 1572 cas d’enrôlements d’enfants ont été recensés, les forçant à prendre part aux combats ou à garder les checkpoints, aussi sur les lignes de front. Ces cas répertoriés ne représentent que la partie immergée de l’iceberg.

Leur avenir est aussi en danger. Quelque 2 millions d’enfants sont aujourd’hui privés d’accès à l’éducation. Les enfants déplacés sont particulièrement vulnérables et aujourd’hui plus d’un demi-million d’enfants déplacés ne vont plus à l’école en raison du manque de certificats scolaires et/ou de l’incapacité de leur famille à payer les coûts indirects liés à la scolarisation (transports, uniformes, livres et matériel scolaire). Les attaques subies par les écoles et autres infrastructures scolaires contribuent aussi à entraver l’accès des enfants à l’éducation au Yémen. Entre mars 2015 et janvier 2017, plus de 200 attaques à des écoles ont été rapportées, et près de 2200 écoles, soit 14% des écoles au Yémen ont été affectées depuis l’escalade du conflit, endommagées par les bombardements et les combats au sol, ou utilisées comme refuges pour les déplacés internes, ou occupées par des groupes armés.

Avec l’escalade du conflit, la mortalité infantile a augmenté de 20%. Au moins un enfant meurt toutes les 10 minutes de causes évitables comme la diarrhée, la malnutrition ou des infections respiratoires.

Ceux qui réussissent à échapper aux blessures ou aux maladies sont eux aussi profondément touchés. Des milliers d’enfants vivent des expériences traumatisantes qui auront un impact inévitable sur leur santé mentale à court et à long terme. Des centaines d’entre eux ont vu leurs amis ou leurs familles blessés ou tués.

Santé

Les conditions de vie difficiles et la paralysie du système de santé ont un impact catastrophique sur la santé au Yémen. Les conséquences de la guerre sont terribles pour les personnes les plus vulnérables comme les femmes enceintes, les nouveau-nés et les enfants en bas âge. Aujourd’hui au Yémen, les maladies facilement traitables peuvent être synonymes de condamnation à mort.

On estime à 14,8 millions le nombre de personnes qui sont privées d’accès aux services médicaux de base. 8,8 millions d’entre elles vivent dans des zones où les services médicaux manquent cruellement. Depuis le mois d’octobre 2016, au moins 274 infrastructures de santé ont été endommagées ou détruites par le conflit, 13 agents de santé ont été tués et 31 blessés. Le matériel médical manque cruellement et seulement 45% des installations de santé sont fonctionnelles, la plupart d’entre elles fonctionnant à capacité réduite.

Les employés du Ministère de la santé yéménite, à l’instar de la plupart des fonctionnaires, n’ont pas été payés au cours des six derniers mois, et la quasi-totalité des 1200 médecins étrangers présents au Yémen jusqu’en mars 2015 ont quitté le pays, craignant pour leur sécurité. Cela constitue, avec le mépris flagrant du droit international humanitaire par les différentes parties au conflit, l’un des principaux obstacles à l’exercice des services de santé, élément important de la crise.

La vie des enfants est menacée avant même leur naissance. Les femmes font face à d’énormes difficultés dans l’accès aux soins prénataux, obstétriques et postnataux, dont le manque d’ambulances, le peu de personnel féminin dans les hôpitaux et la multiplication des checkpoints et des blocus sur les routes menant aux hôpitaux.

Les maladies mortelles comme le choléra, la rougeole et la dengue augmentent chez les enfants. Le manque de nourriture augmente encore plus leur vulnérabilité. Les enfants payent aujourd’hui le plus lourd tribut.

Accès

Alors que les besoins augmentent, l’accès humanitaire au Yémen est de moins en moins garanti en raison d’une situation sécuritaire instable et du changement constant des exigences bureaucratiques de la part des autorités.

La fragmentation de l’autorité et le flou des chaînes de commandement obligent les ONG à négocier l’accès au niveau national puis à répéter leurs demandes au niveau local, causant des retards dans l’arrivée de l’aide humanitaire. Les restrictions et retards dans l’octroi des autorisations pour les visas, transports, formations et les autres activités classiques des ONG sont courants. Dans certaines zones, les frappes aériennes et les combats au sol empêchent régulièrement l’approvisionnement de l’aide.

Le blocus aérien et maritime imposé au Yémen est de plus en plus préoccupant ; le pays importe 90% de sa nourriture, et les retards et restrictions récurrentes ne permettent pas d’assurer un rythme d’imports suffisants à couvrir les besoins. La hausse des prix qui découle de l’irrégularité des importations est telle que la plupart des Yéménites ne peuvent plus se permettre d’acheter la nourriture disponible. Les organisations humanitaires ne peuvent couvrir qu’une partie des besoins.

Il est aujourd’hui très probable que les affrontements sur la côte ouest atteignent le plus grand port du pays, Al Hodaydah, le coupant ainsi du reste du territoire. Le Yémen étant déjà sur le point de se retrouver dans une situation de famine, les conséquences seraient terribles.

La fermeture continue de l’aéroport de Sanaa aux vols commerciaux implique que les médicaments pour lesquels la demande est la plus forte ne sont pas importés en quantité suffisante et que les Yéménites du nord du pays ne peuvent bénéficier d’un traitement médical à l’étranger.

La réponse humanitaire

Seulement 60% des 1,6 milliards de dollars requis pour permettre la mise en œuvre du plan de réponse humanitaire de 2016 ont été reçus, soit 977 millions de dollars.

Le plan pour la réponse humanitaire de 2017 a été lancé à Genève le 8 février 2017 et s’élève à 2,1 milliards de dollars pour venir en aide à 12 millions de personnes. Au 15 mars 2017, l’appel était financé à 7,4% (154 millions de dollars). L’organisation d’une conférence d’appel aux donateurs est prévue le 25 avril à Genève.

Toutefois, même si la réponse humanitaire est revue à la hausse et la protection des civils considérée comme une priorité, tous ces efforts seuls ne permettront pas de faire face aux facteurs fondamentaux du conflit.

Paix

La seule solution de long terme à cette situation est de mettre fin au conflit. Les protagonistes doivent retourner à la table des négociations. Un cessez le feu immédiat et effectif et une solution politique durable sont nécessaires pour que stoppent les violences faites aux enfants, aux femmes et à leur familles ainsi que pour que les agences d’aide internationale puissent faire leur travail en sécurité.

Il est nécessaire que les futurs accords de paix assurent une solution politique concrète impliquant toutes les couches de la société, dont les femmes, la jeunesse et les communautés marginalisées.

*OMS (23 février 2017) http://reliefweb.int/report/yemen/yemeni-health-system-crumbles-millions-risk-malnutrition-and-diseases

**“L’insécurité alimentaire” concerne les personnes qui manquent d’un accès stable, quantitativement et qualitativement, à une alimentation nutritive.  – Yemen 2017 Humanitarian Needs Overview (November 2016) http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/YEMEN%202017%20HNO_Final.pdf

***Yemen 2015 Humanitarian Needs Overview https://www.humanitarianresponse.info/system/files/documents/files/2015_HNO_Yemen_Final_0.pdf