Tchad Acted

Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire 2024 : un appel à l’action

Au Tchad, les conflits armés, entraînant des déplacements de population, l'insécurité alimentaire et nutritionnelle, les urgences sanitaires, ainsi que les conséquences des aléas climatiques, sont les principaux moteurs des besoins humanitaires. Dans la province du Lac, les actions des groupes armés ont provoqué le déplacement interne de plus de 262 106 personnes en 2024, selon l'Organisation International pour les Migrations (OIM). L'est du Tchad fait actuellement face à un afflux sans précédent de réfugiés en provenance du Soudan. Depuis le début de cette crise le 15 avril 2023, plus de 628 138 réfugiés et 201 379 retournés ont traversé la frontière.

Face à cette situation alarmante, Acted intervient au Tchad depuis 2004 en apportant une réponse adaptée aux besoins spécifiques des populations vulnérables, jusque dans les zones les plus reculées.

Actuellement, Acted Tchad, depuis son bureau de coordination nationale à N’Djamena et ses bases à Bol et Daboua dans la province du Lac, ainsi qu’à Adré dans l’Est, mène des activités multisectorielles visant à apporter une aide aux populations en situation d’urgence et à renforcer leur résilience. Parmi les secteurs d’intervention figurent la nutrition, la sécurité alimentaire, l’abri, l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH), la gestion et la coordination des camps (CCCM), ainsi que la protection. Cela est rendu possible grâce au soutien de la communauté, des autorités, des partenaires locaux et des bailleurs, notamment ECHO, BHA, CDCS, UNICEF, PAM, la Région Normandie, Global Medic, et l’agglomération de Béthune Bruay en 2024.

C’est ainsi dans ce contexte de crise prolongée et d’interventions riches que la Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire 2024 est célébrée le 19 août.

L'aide humanitaire au Tchad

Au lieu d’essayer de trouver une définition universelle de l’aide humanitaire, il serait plutôt plus efficace de décrire ses caractéristiques spécifiques au contexte tchadien et, ensuite, de tenter, si possible, d’atteindre des conclusions plus générales.

L’aide humanitaire est, a priori, une intervention de dernier recours, un soutien d’urgence face à des besoins graves. Au Tchad, l’insécurité, les changements climatiques et les chocs sanitaires, entre autres, ont longtemps impacté la vie et les moyens de subsistance de la population locale, sans oublier le débordement des crises régionales. Plus récemment, en février 2024, un état d’urgence alimentaire et nutritionnelle a été déclaré sur l’ensemble du territoire. Plus de 3,8 millions de personnes sont en insécurité alimentaire sévère, selon les résultats du Cadre Harmonisé publiés en mars 2024. L’aide humanitaire, dans ce cadre, est ainsi la réponse rapide et urgente aux besoins, comme le montrent, par exemple, les projets actuels PAM soudure et Mécanisme de réponse rapide (RRM) menés par Acted, qui fournissent des distributions d’argent, des dépistages de malnutrition, des sensibilisations, des intrants nutritionnels et d’autres.

Néanmoins, ce n’est que le 6 août 2024 que le Ministère de l’Action Sociale, de la Solidarité et des Affaires Humanitaires du Tchad a activé le plan de contingence contre les inondations. Alors que des milliers de personnes ont perdu leurs maisons et leurs moyens de subsistance depuis le début de la saison des pluies, l’aide humanitaire inclut aussi la construction d’abris et la relocalisation de ces communautés.

Le projet éducatif d’Acted dans le nord reculé de la province du Lac, qui cible les enfants déplacés par les activités des groupes armés, constitue-t-il aussi une aide humanitaire ? Oui, sans aucun doute !

Cela montre que l’aide humanitaire prend de nombreuses formes et que son importance est plus cruciale que jamais au Tchad. Trouver une définition implique alors une introspection plus approfondie sur la relation entre les bénéficiaires et les organisations, les bailleurs, les autorités et le personnel, ce qui, aussi fascinant soit-il, ne relève pas les besoins non satisfaits actuellement au Tchad et qu’Acted s’efforce de combler dans la mesure de ses possibilités.

Répondre aux besoins essentiels des ménages

Afin de soutenir et répondre aux besoins essentiels des ménages dans la province du Lac, Acted, à travers le Mécanisme de Réponse Rapide (RRM), fournit depuis 2021 une assistance d’urgence rapide en sécurité alimentaire, nutrition et en abri aux personnes déplacées internes depuis moins de 3 mois. Parallèlement, Acted mène également des activités de gestion et de coordination des camps (CCCM) pour soutenir les efforts de plaidoyer, la veille humanitaire et la Commission Nationale d’accueil de Réinsertion des Réfugies

(CNARR), ainsi que pour renforcer les structures communautaires dans 15 sites de personnes déplacées internes. Ces activités sont rendues possibles grâce au soutien d’ECHO et de BHA.

Dans le département de Fouli au Lac, Acted met en œuvre depuis plus de 4 ans des activités éducatives pour les enfants vulnérables, facilitant l’accès à l’éducation et aidant la communauté à faire face aux catastrophes naturelles. Six écoles ont été construites, accueillant plus de 2 200 élèves, avec 34 enseignants et des latrines publiques pour garantir de bonnes conditions d’apprentissage. Acted a aussi plaidé auprès du PAM pour obtenir des cantines scolaires dans toutes les écoles.

En outre, pour répondre à la période de soudure de cette année et soutenir la résilience de la population, Acted soutient 78 912 personnes en sécurité alimentaire dans 45 localités et a distribué des outils agricoles et des semences à 1 973 ménages. Les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les enfants sont dépistées et bénéficient d’intrants nutritionnels.

Dans le contexte de la crise des réfugiés soudanais et retournées à l’est, Acted met en œuvre une vaste opération d’assistance dans la province du Ouaddaï. Après un ciblage minutieux pour garantir que les plus vulnérables sont prioritaires, Acted fournit une aide en abri, articles ménagers essentiels, foyers améliorés, WASH et protection. Par ailleurs, plus de 300 000 personnes ont bénéficié d’une assistance en matière de sécurité alimentaire. Depuis 2024, les activités de gestion et de coordination des camps (CCCM) ont été déployées pour soutenir la CNARR et le HCR dans le site spontané d’Adré, qui accueille aujourd’hui plus de 200 000 personnes, ainsi que pour renforcer les capacités des autorités locales et la gouvernance communautaire.

Globalement, grâce à des plaidoyers continus, Acted a pu assister 533 916 bénéficiaires en 2023 dans le cadre de ses opérations humanitaires.

Soutenir les efforts de plaidoyer

Malgré les efforts considérables des acteurs humanitaires pour répondre aux besoins des populations vulnérables, ces besoins demeurent élevés et insatisfaits. Plus de 6 millions de personnes sont touchées au Tchad, dont 1,7 million d’enfants de de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë. Pour répondre à cette crise, Acted vise à recueillir autant de données et d’informations que possible, notamment à travers les activités de gestion et de coordination des camps (CCCM), et à les diffuser au niveau national par le biais des mécanismes de cluster et auprès du grand public international. À cette fin, voici quelques témoignages de bénéficiaires sur les sites temporaires d’Adré, le principal point d’entrée du Soudan vers le Tchad. Cela permettra de mettre en évidence la situation actuelle et les priorités en s’adressant aux populations les plus impliquées en toute transparence.

  1. Comment percevez-vous l’aide humanitaire ?
  • Pour Brahim, il y a une insuffisance dans la fourniture des services de base (par exemple, les latrines) et un manque d’opportunités pour les jeunes.
  • Pour Mahamat, il y a un déficit crucial dans le domaine de la santé. Il demande un renforcement des interventions, surtout en cette période de saison des pluies, avec le paludisme et les maladies hydriques qui se propagent rapidement. Il préconise également la construction d’infrastructures sanitaires et le renforcement des effectifs du personnel soignant.
  • Pour Aïtam, Acted est très actif sur le site temporaire d’Adré dans le domaine du CCCM, en construisant des hubs permettant aux bénéficiaires de se retrouver et de discuter des différentes difficultés rencontrées. La mise en place de différents comités permet la remontée des plaintes, l’installation de passerelles facilite la circulation même en période de pluie, et l’installation de lampadaires a bien sécurisé le site.
  1. Quelles sont les grandes difficultés que vous rencontrez actuellement ?
  • Pour Brahim, les difficultés sont, entre autres :
    • Le renforcement nécessaire des services sanitaires pendant la saison des pluies ;
    • L’insuffisance des rations alimentaires quotidiennes ;
    • Le manque de traitement adéquat pour les maladies chroniques.
  • Pour Mahamat :
    • Le manque d’opportunités pour les jeunes.
  • Pour Aïtam :
    • Le manque d’accès à l’éducation.
  1. Quel est l’impact de l’aide humanitaire sur votre mode de vie ?
  • Pour Brahim, l’aide humanitaire a eu un impact positif en fournissant une assistance et des services de base, mais la lenteur des interventions en matière d’assistance alimentaire reste un problème.
  • Pour Mahamatcréé une dépendance chez les réfugiés
  • Pour Aïtam, l’aide humanitaire a eu un impact positif sur la vie quotidienne des réfugiés. L’implication des leaders communautaires dans la prise de décisions favorise une assistance réussie, et l’accès aux services sanitaires ainsi qu’aux distributions de kits NFIs et de vivres est également amélioré.
  1. Quelle forme d’assistance préférez-vous ?
  • Pour Brahim : il y a un grand besoin d’assistance sanitaire, notamment en renforçant l’effectif du personnel soignant.
  • Pour Mahamat : il faut amplifier les distributions de vivres et créer des centres de formation pour occuper les jeunes et apporter des emplois.
  • Pour Aïtam : il faut privilégier la prise en charge psychosociale, avec l’aménagement de centres de soutien pour les personnes atteintes de troubles psychologiques.

Enfin, à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire 2024, les besoins non comblés au Tchad demeurent énormes. La succession de crises et l’accumulation de chocs sur les mêmes populations, combinées à des efforts très limités pour renforcer la résilience, ont gravement affaibli les capacités des communautés. Malgré cela, Acted poursuit son soutien aux initiatives communautaires et à l’aide humanitaire depuis plus de 20 ans dans le pays. Bien qu’il soit incertain que cette journée mérite une célébration, elle doit impérativement être utilisée pour mettre en lumière les besoins et continuer les efforts de plaidoyer.

La réponse humanitaire reste une mesure extrême; les interventions doivent d’abord viser à prévenir les urgences. Alors que le secteur humanitaire s’oriente de plus en plus vers des solutions durables au Tchad, la situation dans la province du Lac et dans l’Est, comme le montrent les témoignages, reste critique.