La réponse humanitaire s’organise souvent autour d’une aide matérielle fournie aux populations vulnérables. En effet, la principale réponse à l’urgence s’effectue par des distributions aux ménages vulnérables. Aliments de base, kits de réparation d’abris, eau potable, kits d’ustensiles ménagers, kits d’hygiène, sont les principaux soutiens que reçoivent les familles affectées ; ainsi qu’un accès aux services essentiels et adaptés à leurs besoins.
En revanche, l’aide humanitaire prend de plus en plus la forme de transferts d’argent. Au lieu de recevoir des biens ou des denrées, les populations vulnérables reçoivent de l’argent qu’ils peuvent employer selon leurs besoins ou préférences. Dans certains cas, les bénéficiaires reçoivent du cash. Dans d’autres, les liquidités sont mises à disposition via des cartes de retrait. Les personnes bénéficiant de ces programmes reçoivent une carte bancaire sur laquelle un certain montant est crédité. Il ne leur reste plus qu’à se rendre à un point de retrait, retirer leur argent, et le répartir selon leurs priorités.
Le transfert d’argent est une approche innovante de l’intervention auprès des populations vulnérables. De par sa flexibilité, et la marge de liberté qu’elle offre aux populations affectées, elle leur permet de prioriser elles-mêmes leurs dépenses selon leurs besoins, et de les autonomiser dans leur vie quotidienne et contribue à leur dignité. Munis d’une carte de retrait créditée ou bénéficiaires de liquidités, elles choisissent dans quels domaines elles souhaitent dépenser ou « investir » cet argent : produits alimentaires, hygiène, gaz, éducation pour les enfants, etc. Ce pouvoir de décision leur permet de bénéficier d’une aide adaptée au mieux à leurs besoins. Cette forme d’aide humanitaire permet aux ménages de réguler leur consommation, de respecter leur panier de dépenses minimum et d’éventuellement faire des économies pour le futur. Responsabilisés, ils retrouvent des conditions de vie dignes, et renforcent leurs moyens d’existence.
Les transferts d’argent ont en outre l’avantage d’être moins coûteux limitant les intermédiaires, et contribuent à une action humanitaire plus transparente, rapide et flexible. Injecté directement dans le pays, cet argent bénéficie également au bassin économique local et à l’économie du pays.
Les transferts d’argent protègent, par ailleurs, les familles contre le recours à des stratégies dites d’adaptation négative, comme les restrictions alimentaires ou le travail des enfants.
Membre du Cash-Learning Partnership depuis 2016, ACTED met en œuvre ce nouveau type d’aide humanitaire dans différents pays, notamment au Liban. C’est dans le cadre d’une coordination entre différents acteurs humanitaires rassemblés sous le Lebanon Cash Consortium (LCC) que les transferts d’argent ont participé à l’amélioration des conditions de vie au Liban. Composé de Care International, Save the Children, Solidarités International, Vision du monde, International Rescue Committee et ACTED, ce consortium a été créé pour améliorer la situation des réfugiés vulnérables et leur fournir une aide en espèces polyvalente.
Depuis 2011, on dénombre 1 million de réfugiés syriens au Liban enregistrés auprès du HCR, soit un quart de la population dans le pays. 71% d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, selon l’agence onusienne.
Dans les camps de réfugiés libanais, 18 496 familles bénéficient des transferts mensuels d’argent, dans le cadre du Lebanon Cash Consortium. Chaque famille reçoit ainsi chaque mois 163,30 € qu’elle peut dépenser en fonction de ses priorités. Sur deux ans, ce programme de 62 millions d’euros alloués par le Service de l’Union européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile (ECHO), devrait bénéficier à 135 000 réfugiés syriens présents au Liban. La structuration bancaire au Liban permet de recourir à l’usage de cartes de retraits par les bénéficiaires. Mais dans d’autres contextes humanitaires et dans les pays ou les réseaux bancaires ne sont pas aussi développés, les distributions de liquidités en direct prévalent encore. De nouveaux systèmes innovants, tels que les transferts par mobile, sont également appliqués pour faciliter les transferts et les opérations.
Aujourd’hui, les transferts d’argent représentent 6 % des interventions humanitaires dans le monde ; une modalité qui tend à se développer. ACTED souhaite investir dans ce type d’intervention afin d’améliorer les réponses d’urgence et d’apporter une aide adaptée à chaque famille en fonction de ses besoins.
Cette approche est valorisée par le système d'aide, par son efficacité démontrée.
André Krummacher, directeur des programmes d’ACTED, témoigne de cette approche qui se renforce dans le cadre des programmes d’ACTED : « Nous voulons recourir à l’injection de liquidité comme mécanisme prioritaire dans les situations d’urgence. Dans la mesure du possible, et si les marchés locaux sont fonctionnels, nous envisageons d’abord les transferts de liquidités plutôt que de systématiquement considérer une réponse matérielle. »