ACTED, présente en Haïti auprès des populations les plus vulnérables depuis 2004, est mobilisée depuis le passage de l’ouragan Matthew sur le Sud et la Grand’Anse le 4 octobre 2016 pour fournir une aide humanitaire d’urgence aux populations touchées par la catastrophe.
Avant même le passage de l’ouragan, ACTED a apporté un soutien aux populations pour leur permettre d’avoir de quoi se nourrir, de l’eau potable et de renforcer leurs abris, tout en travaillant à endiguer la nouvelle propagation de l’épidémie de choléra, avec un nombre de cas multiplié par deux depuis le passage de l’ouragan en Haïti.
Point de situation : les grands enjeux de la réponse d’urgence aux lendemains du passage de Matthew
Dans tous les secteurs, des besoins considérables… Aux lendemains du passage de l’ouragan Matthew, des dégâts énormes étaient constatés : morts, blessés, destructions, dommages considérables aux infrastructures, coulées de boue, cultures dévastées. L’urgence alimentaire, l’urgence d’accès à l’eau potable, à des conditions sanitaires et d’hygiène décentes, à un toit et à des biens de première nécessité sont les principales priorités pour les populations affectées : fin octobre, 1,4 million d’Haïtiens avaient besoin d’une aide humanitaire, dont 75% localisés dans les zones les plus durement touchées du sud-ouest de l’île.
Post-urgence : quels enjeux ?
L’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement
Après le passage de Matthew, quelque 750 000 personnes se sont retrouvées sans accès à une eau saine et propre à la consommation. ACTED a réhabilité plusieurs points d’eau touchés par Matthew dans le Sud et la Grand’Anse pour permettre aux populations d’avoir accès à une eau potable. À certains endroits, et notamment à proximité des rivières ou de zones d’eaux stagnantes, les équipes ont installé des stations de traitement de l’eau ou des points de chloration, qui, reliés à des équipements de redistribution de l’eau, permettent de garantir un accès à une eau propre à la consommation, et ainsi éviter les maladies d’origine hydrique, comme le choléra. Les stations de traitement et de chloration de l’eau sont régulièrement entretenues par les équipes d’ACTED ainsi que par les communautés pour en assurer la pleine efficacité. Avec le soutien de Veolia, ACTED a installé six unités de traitement de l’eau dans des zones à risque.
Le manque d’accès à l’eau potable demeure un vecteur essentiel de transmission du choléra et une priorité des plus urgentes pour ACTED.
Depuis octobre dernier, ACTED a distribué plus de 520 000 pastilles de désinfection de l’eau Aquatab, ainsi que 8000 kits d’hygiène et 10 000 savons pour faire face à l’urgence sanitaire.
Éradiquer le choléra
Le choléra sévit à travers le pays depuis fin 2010. Les fortes pluies, inondations et coulées de boue à la suite de l’ouragan ont favorisé une nouvelle flambée de choléra, et la situation épidémiologique redevient alarmante. ACTED est mobilisée depuis six ans pour prévenir et contribuer à l’éradication du choléra, avec des équipes d’urgence réparties dans différentes zones d’intervention qui sont mobilisées sur la construction et réhabilitation des centres de santé pour la prise en charge du choléra, agissent sur les problématiques d’assainissement et de qualité de l’eau, et se rendent auprès des populations pour les sensibiliser aux risques du choléra et distribuer des articles contribuant à en limiter la propagation.
- Trois mois après Matthew, le choléra continue de menacer Haïti
Les dégâts, les inondations et le manque d’eau potable qui ont suivi le passage de l’ouragan Matthew ont favorisé la propagation du choléra – l’urgence sanitaire accable ainsi une nouvelle fois Haïti. En octobre 2016, une augmentation des cas suspects a été identifiée quasi immédiatement après le passage de Matthew, avec 5498 cas déclarés au lieu de 2377 en septembre, dont près de la moitié signalés dans les départements du Sud et de la Grand’Anse.
Les équipes choléra ont été renforcées après l’ouragan et ont redoublé leurs efforts pour contenir l’épidémie et en éliminer les vecteurs : dans un premier temps, pour identifier les zones à risque et effectuer des réparations essentielles des dégâts subis par les centres de traitement ; dans un second temps, pour suivre les zones de provenance et de persistance du choléra, poursuivre les sensibilisations ainsi que les distributions dans les communes concernées, et faciliter la prise en charge des malades dans les centres et unités de traitement choléra.
En novembre 2016, grâce à l’augmentation des moyens de traitement, de réponse et de prévention, et à une large campagne de vaccinations, le nombre de cas suspects a pu diminuer de 25%. Les équipes d’ACTED, reconnues particulièrement pour leurs compétences de surveillance épidémiologique et d’investigation des vecteurs de contamination, participent activement chaque jour à l’élimination du choléra. Depuis octobre 2016, plus de 60 000 personnes ont été sensibilisées aux risques du choléra et aux moyens de l’éviter, et quatre unités de traitement choléra ont été réhabilitées.
- Des réhabilitations essentielles : unités de traitement choléra et centres de traitement
L’un des éléments cruciaux à prendre en compte dans la prise en charge du choléra, est la bonne capacité d’accueil des centres et unités de traitement. En effet, bon nombre de centres de traitement ont subi des dégâts suite à l’ouragan Matthew, et il était donc urgent de les réhabiliter au plus vite afin de pouvoir accueillir et soigner les malades.
ACTED travaille en lien avec Médecins du Monde pour assurer la bonne prise en charge des cas de choléra à Dame Marie, Anse d’Hainault et les Irois. ACTED distribue également 750 lampes solaires données par Total dans les hôpitaux et centres de traitement choléra pour faciliter le travail du personnel médical dans la prise en charge des malades.
- Identifier, décontaminer, sensibiliser, surveiller : quatre étapes cruciale pour combattre la persistance du choléra
Les équipes d’urgence choléra d’ACTED, basées à Dame Marie et à Jérémie dans la Grand’Anse, assurent l’identification des cas de choléra et interviennent pour effectuer la décontamination des zones touchées par l’épidémie. Pour ce faire, les équipes mènent des évaluations dans les communes pour identifier les causes de la maladie, permettant d’une part de faciliter la prise en charge des cas de choléra par les personnels médicaux, et d’autre part de trouver des solutions pour prévenir la propagation de la maladie. Une fois la souche identifiée, les équipes d’ACTED mettent en place des cordons sanitaires, des mécanismes alliant sensibilisations pour expliquer les risques du choléra et les bons gestes pour l’éviter, et coordination avec des infirmiers de l’Équipe mobile d’intervention rapide (EMIRA), coordonnée par le département haïtien de la santé publique.
Enfin, ACTED s’appuie sur des rencontres communautaires, planifiées en lien avec les autorités locales et des leaders communautaires pré identifiés, pour faire diffuser des messages de prévention et limiter l’impact et la propagation de la maladie.
Relance agricole et sécurité alimentaire
- Urgence alimentaire : des distributions alimentaires pour pallier les besoins urgents
Après le passage de Matthew, quelque 806 000 personnes avaient besoin d’une assistance alimentaire d’urgence. En plus de la destruction des cultures et des récoltes, le passage de Matthew a été suivi d’une hausse considérable du prix du panier alimentaire (8% en moyenne, jusqu’à 14% dans certaines zones). Depuis octobre 2016, ACTED organise des distributions de rations alimentaires dans le Sud et la Grand’Anse : 17 000 familles en ont bénéficié jusqu’à aujourd’hui.
Cicéron, membre de l’équipe de distributions alimentaires d’ACTED dans la zone de Dame Marie, en Grand’Anse, s’affaire sous le soleil, les mains pleines de coupons. C’est la cinquième journée consécutive de distributions dans une localité de la commune des Irois, et tout s’est déroulé avec succès : en effet, presque tous les bénéficiaires de cette zone ont maintenant pu recevoir une aide alimentaire. Mais l’urgence alimentaire demeure, selon Cicéron : les populations n’ont plus de quoi se nourrir par elles-mêmes, les champs sont dévastés, et ils doivent donc toujours compter sur l’aide extérieure, « probablement pour encore de nombreux mois ». Mais il est satisfait et confiant :
Grâce à ces distributions, les choses s’améliorent, bien sûr. Il y a encore beaucoup à faire, mais ça aide déjà beaucoup
Cicéron, membre de l’équipe de distributions alimentaires d’ACTED dans la zone de Dame Marie
L’agriculture : un défi crucial pour la sécurité alimentaire
D’autres distributions sont planifiées dans les semaines à venir. Comme Cicéron, tous déplorent l’état de l’agriculture et des champs. Un chef d’équipe urgence ACTED témoigne : « Avant, la zone côtière était le grenier de la Grand’Anse. On y produisait maïs, haricots, bananes, cacao, châtaignes… Avec les châtaignes par exemple on fait du tamtam, c’est très bon et tout le monde en mange en Haïti ! » Son visage s’assombrit un peu :
Mais depuis l’ouragan, il n’y a plus d’agriculture, on doit tout importer. Vous voyez ici ? On cultivait du maïs et des haricots avant. Mais ça a été dévasté, et on ne sait pas combien de temps ça prendra pour recommencer à cultiver.
Un chef d'équipe d'urgence ACTED
À trois mois de l’ouragan, la relance agricole est une priorité des plus importantes
Si on veut éviter une crise alimentaire et nutritionnelle en Haïti, il est nécessaire d’agir d’urgence pour relancer l’agriculture et permettre aux familles de ne plus dépendre de l’aide alimentaire extérieure. Cette phase de post urgence sera particulièrement décisive pour assurer la sécurité alimentaire, en Grand’Anse en particulier, où le taux d’insécurité alimentaire est le plus fort.
ACTED est en train de lancer des programmes de transfert d’argent et d’argent contre travail pour déblayer les zones agricoles dévastées par l’ouragan, première étape indispensable pour pouvoir replanter, et ainsi relancer les activités agricoles et la production. ACTED prévoit notamment de travailler avec des coopératives de producteurs de cacao pour déblayer les champs et relancer la production.
Trouver des solutions durables pour reconstruire des maisons plus résistantes
L’ouragan Matthew, d’une violence extrême, a tout emporté sur son passage, détruisant les maisons de milliers d’Haïtiens. Dans les premières semaines après le passage de Matthew, les populations ont pu recevoir une première aide pour avoir à nouveau un toit : bâches, tôles et autres matériaux d’urgence. Aujourd’hui, près de trois mois après le passage de Matthew, les populations vivent encore dans des abris précaires, et l’urgence est à une reconstruction plus durable, mieux à même de supporter de nouveaux chocs, probablement inévitables.
- Trois mois après, des solutions d’urgence à la nécessité d’une reconstruction plus durable
Après le passage de l’ouragan, les équipes d’ACTED ont distribué 12 000 bâches dans le Sud et la Grand’Anse, pour permettre aux familles ayant perdu leur maison d’avoir de quoi s’abriter. Si les tôles et les bâches offrent des abris temporaires qui font l’affaire quelques temps, elles restent des solutions d’urgence, et demeurent insuffisantes. De nouvelles intempéries et catastrophes sont inévitables, et il est indispensable d’ici là de préparer les familles à les affronter, en commençant par des abris renforcés.
Aujourd’hui, les équipes ACTED développent une réponse plus durable. Ainsi, ACTED lance un programme de reconstruction de maisons selon des techniques de construction plus résistantes aux catastrophes, respectueuses de l’environnement et de la culture en Haïti. Le projet de reconstruction s’accompagnera de distributions d’outils, avec le soutien de l’OIM dans le département du Sud, et d’OFDA dans le département de la Grand’Anse. ACTED est actuellement en discussion avec les maires des principales communes de la Grand’Anse, Abricots, Bonbon, Dame Marie, Anse d’Hainault et Les Irois, pour mettre en place ce projet de reconstruction durable.
Les constructions traditionnelles haïtiennes utilisent le bois et la pierre comme principaux matériaux, avec des techniques permettant de constituer des abris assez solides. Pour ce projet de reconstruction, ACTED prend ainsi le parti de constructions plus résistantes, en matériaux durables et respectueuses de la culture haïtienne, inspirées des maisons que l’on trouve habituellement dans les montagnes haïtiennes, les mornes. La Grand’Anse est souvent dépeinte comme une ressource environnementale considérable en Haïti. ACTED s’efforce de respecter l’environnement et les ressources de la région, en adoptant ces techniques traditionnelles, et en les perfectionnant pour garantir plus de résistance aux catastrophes futures.
ACTED embauche actuellement des techniciens locaux spécialisés dans ces techniques de construction, dans l’objectif de fournir un appui technique et du conseil à quelque 2000 personnes ayant perdu leur maison dans les communes de la Grand’Anse : ACTED les appuiera dans le choix des matériaux de construction, leur fournira des outils adaptés et les conseillera pour leur permettre de reconstruire une maison plus solide. En parallèle de cette activité, des équipes d’ACTED devraient également être positionnées dans les communes pour proposer du conseil et de l’information sur les techniques de construction. Un atelier de découpe du bois et autres matériaux selon des techniques traditionnelles haïtiennes sera également installé.
Les enquêtes menées jusque-là auprès des populations et les discussions avec les maires sur le programme de reconstruction semblent prometteuses, un signe positif pour ACTED ; le recouvrement d’abris solides et résistants restant une priorité majeure après le passage de Matthew, si l’on veut garantir la résilience des populations touchées et la préparation aux plus que probables futures catastrophes.